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Alex Steinweiss (USA)

Alex Steinweiss, symphonie de pochettes


Le graphiste américain, inventeur de la pochette de disques, s’est éteint à 94 ans.

Acrylique sur toile de 1981 réalisée par Alex Steinwess pour le «Turandot» de Puccini. - Alex Steinwess
Alors que, graphiste débutant, ce «génial jeune Monsieur Je-Sais-Tout», comme il se décrivait, est engagé chez Columbia Records en 1939, il lance l’idée d’habiller la jaquette du disque d’une illustration artistique «pour la rendre accrocheuse». Il bouscule là les habitudes de la compagnie, qui ne le regrettera pas. En quelques mois, les ventes augmentent de 800 %.
Perfection. A partir de 1948, avec le «33 tours minutes», il pousse son concept et invente la jaquette en carton. «Ses pochettes d’album aux couleurs vives sortirent le magasin de disques de son atmosphère de bibliothèque… pour le remettre dans la course, sur Broadway et dans la vie», s’enthousiasme en 1947 le graphiste américain Will Burtin.
On trouve donc les admirateurs d’Alex Steinweiss du côté des bacs à disques vinyles et chez les fans de typographies, car il a révolutionné en styliste la façon dont la musique est présentée.«J’aime tellement la musique, répondait-il, et j’avais tellement d’ambition que j’étaisprêt à en faire beaucoup plus que ce pour quoi on pouvait bien me payer. Je voulais que les gens entendent la musique en voyant l’œuvre d’art.» Steinweiss a aussi intuitivement créé le profil du «directeur artistique», au bon moment : entre révolution industrielle du disque et mouvement moderne international, époque où l’on pensait que l’art et le design allaient dynamiser le monde.
Né à Brooklyn en 1917, Alex Steinweiss a fait ses études au lycée Abraham Lincoln, en enfant de la Grande Dépression, sous l’aile protectrice du directeur du département d’art, Leon Friend. Peu docile, ce créateur fiévreux sortira quand même diplômé de la Parsons School of Art and Design, et sera l’assistant du graphiste autrichien Joseph Binder. Pendant ces années, en quête de perfection, il s’imprègne du travail de de l’affichiste français Cassandre, du Bauhaus allemand avec László Moholy-Nagy et du constructivisme russe.
De toutes ces influences peut naître sa grammaire reconnaissable. Sur une affiche miniature, il optimise la surface avec une image centrale, applique couleurs et formes plates. Pas doctrinaire, il fait appel au surréalisme, au symbolisme, à l’affichisme, au cubisme. Pour Rhapsody in Blue, de George Gershwin, il plaça un piano sur fond bleu foncé, éclairé par un unique lampadaire.
Sa couverture du microsillon Songs of Free, de Paul Robeson, représente une main enchaînée tenant un poignard. C’est un de ses signes forts. Il choisissait des polices de caractères parfois élégantes, parfois fantaisistes, il a même créé son propre alphabet manuscrit, le «Steinweiss Scrawl», léger, expressif, dansant.
Collage. On lui doit des milliers d’illustrations originales au service de la musique, qu’elle soit classique, jazz ou variétés, pour Columbia, Decca, London, Everest. Ainsi que toutes sortes de logos, étiquettes, supports publicitaires, affiches pour l’US Navy. En 1970, Alex Steinweiss abandonne le domaine du graphisme, laissant la place au pop art et au psychédélisme. Il s’en explique :«Un jour que j’attendais à la réception d’une compagnie de disques, moi dans mon costume, à côté de tous ces types à cheveux longs et vestes à franges, je me suis dit que j’étais bon pour la retraite.» Ce qu’il ne fera pas, se consacrant à la peinture, au collage et la céramique, à Sarasota, en Floride.
Comment aurait-t-on pu oublier Alex Steinweiss… Paradoxe : dans les années 80, alors que «son» 33 tours est éclipsé par le CD numérique, il est réévalué tel un pionnier sous-estimé. En 2009, l’énorme ouvrage que lui consacrent les graphistes américains Kevin Reagan et Steven Heller  offre définitivement la postérité à celui qui a donné forme et couleur, comme un rythme visible, à la musique.
 Alex Steinweiss, the son of Latvian and Polish Jewish immigrants   njjewishnews.com

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