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Richard Holbrooke (USA)

Le vrai visage de Richard Holbrooke, «juif porteur d'une identité», par Samuel Nathan
16/12/10



L’émissaire de Barak Obama pour l’Afghanistan et le Pakistan, Richard Holbrooke s’est éteint le 13 décembre 2010 à la suite d’une crise cardiaque à l’âge de 69 ans. Les superlatifs ne sont pas assez forts pour saluer et qualifier la personnalité puissante et le rôle décisif qu’il a joué pendant 50 ans à la tête des affaires extérieures des Etats-Unis. Véritable « géant de la diplomatie américaine » pour son président, « bulldozer », « taureau en furie » pour les uns, « Kissinger des Balkans » pour les autres, Richard Holbrooke a été l’ambassadeur des USA aux Nations unies entre 1991 et 2001.
A cette même époque, Yehuda Lancry représentait Israël en son plus haut niveau à l’Organisation des Nations Unies à New York. Dans un livre de Mémoires à la fois instructif et émouvant paru tout dernièrement aux éditions Albin Michel et intitulé « Le messager meurtri » sur lequel nous reviendrons prochainement dans le cadre de cette rubrique, l’auteur évoque l’action très positive de Richard Holbrooke à l’égard d’Israël.
Nous vous proposons quelques extraits qui, sous la plume de Yehuda Lancry constituent avec la disparition de son prestigieux collègue et en plus de l’aspect informatif et explicatif, un hommage rempli de gratitude devant l’histoire d’Israël et des relations internationales.
Page 25.
« Depuis 1961, cinq groupes régionaux réunissent tous les Etats membres selon des critères géographiques, à l’exclusion d’Israël. Ils fonctionnent en véritables régisseurs de postes électifs et en distributeurs de rôles d’influence au sein des Nations unies. Quiconque en est exclu n’a pratiquement pas droit de cité dans les nombreuses instances et commissions onusiennes où se forgent la politique, les projets, les résolutions, l’ordre du jour de l’organisation.
Israël, cas unique dans l’histoire des Nations unies, fut interdit pendant près de quarante ans d’appartenance régionale. Son groupe géographique naturel, qui recouvre l’Asie et le Moyen-Orient, à composante islamo-arabe prédominante, lui avait refusé d’emblée tout accès.
Le principe sacro-saint de l’unanimité étant retenu pour toute adhésion, Israël ne pouvait, au plus grave de ses tensions avec le monde arabe, espérer contourner un rejet catégorique. Ainsi fut-il acculé, dans sa splendide singularité, à l’adversité qu’alimentait le conflit israélo-arabe, sans aucun autre recours. Israël se cantonnait donc dans ce repli défensif, sans autre visibilité que celles des séances imprécatoires à l’Assemblée générale, au Conseil de sécurité ou dans certaines commissions comme celle des droits de l’homme ou de la décolonisation." […]
Page 29.
[…] "Holbrooke entendait réussir l’adhésion d’Israël au groupe régional ouest-européen. Alors que je m’appliquais, lors de mes visites de courtoisie auprès de mes collègues européens, à développer un discours de confiance, Holbrooke, fort de l’appui manifeste de Clinton et Gore, privilégiait la pression continue. Il ne se gênait guère, lors de certaines apparitions publiques, pour pointer l’un ou l’autre des pays de l’Union européenne.
Ainsi épingla-t-il l’Espagne, parmi les deux ou trois membres réfractaires à l’accueil d’Israël au sein du groupe : « Il en va de l’intérêt de l’Espagne de comprendre que nous ne sommes plus au temps de l’Inquisition », asséna brutalement le diplomate américain. Holbrooke, particulièrement irrité par l’entêtement espagnol, avait sans doute réagi en juif porteur d’une identité et d’une conscience juives pleinement affirmées depuis sa mission d’ambassadeur en Allemagne, au début des années quatre-vingt dix.
Quelques jours plus tard, je reçus un appel du très sympathique ambassadeur espagnol, Inocencio Arias, inquiet des retombées de la déclaration de Holbrooke. Arias, diplomate chevronné, ancien acteur de cinéma et ancien président du club de football du Real Madrid, m’expliqua qu’il subissait une forte pression de certaines organisations juives américaines.
Il m’informa des dispositions positives de son gouvernement et me pria de relayer le message auprès des autorités de mon pays, ainsi qu’auprès de certains leaders de la communauté juive. Je l’en assurai. « N’oublie pas, ajouta Arias, de calmer ton ami Holbrooke », exprimant ainsi une critique de l’approche musclée de l’ambassadeur américain, que partageaient certains de ses collègues." […]
Après quelques mois de négociations, un accord de principe se profile stipulant l’adhésion d’Israël à titre temporaire avec un statut, renouvelable tous les quatre ans, de membre à prérogatives égales au sein de l’ONU. En revanche, Israël n’obtient aucune appartenance régionale dans les groupes africains et européens.
La direction générale des affaires étrangères israélienne se montre déçue, voire humiliée par cet accord. Holbrooke et Lancry pensent en revanche qu’il ne faut pas ruiner cet acquis par des revendications excessives. Le dernier mot revint au ministre des affaires étrangères David Lévy qui entérine l’accord.
Page 32
« Intérieurement, je savourai le triomphe pendant que Lévy rendait un vibrant hommage à Holbrooke et, dans la foulée à moi-même. Quelques jours plus tard, Holbrooke et moi célébrions en une conférence de presse conjointe aux Nations unies l’événement exceptionnel. Ainsi était mis un terme à « une marche de quarante ans dans le désert », selon la formule que Holbrooke emprunta pour l’occasion solennelle au texte biblique.
Kofi Anan salua le tournant capital et, devant l’évidence, le groupe arabe et l’observateur permanent pour la Palestine, Nasser El Quidwa, se contentèrent d’une réaction plutôt feutrée.
Quelques mois plus tard, je présidai, pour un mois, le groupe ouest-européen en vertu du roulement mensuel des présidences entre les vingt-huit membres du groupe. Une sombre page d’injustice et d’adversité était ainsi tournée. »
Article publié ce jeudi 16 décembre 2010 sur le site Internet officiel de la Chambre de Commerce France Israël.
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